Cadets

Souvenirs de Janotte Junqua

Janotte a parcouru à pied quatre fois la distance
du tour de la Terre
Interview de C. Bombédiac - 1962

" Bonjour, M'sieur Henri... Beau temps,
n'est-ce pas aujourd'hui ? ... Voyez, j'ai pris votre chariot et votre sac pour me faire photographier. C'est pas gentil,
ça ?... "

Janotte Junqua est universellement connue dans les milieux du golf : c'est la doyenne des " caddies " de Biarritz. Toujours le mot aimable pour " son " client et le verbe typiquement biarrot :

" Tu vois, fiston, la principale qualité d'un " caddie" c'est d'avoir la balle à l'oeil...
Oui, suivre sa trajectoire. Notre valeur professionnelle se juge au nombre de balles perdues. Donc, il faut être attentif. Et puis une balle coûte 6 F. Le client y tient. Sauf si c'est lui qui l'a f..
. dehors ! "

Agée de 62 ans, le chef éternnellement coiffé d'un bob, Janotte fait volontiers la glorification des anciens caddies du Phare. Il est vrai que beaucoup d'entre eux sont devenus sinon des professeurs, du moins d'authentiques champions de golf. Du reste, en dehors de la saison estivale, ils disputent leurs propres tournois.

" Un vrai caddie, c'est un métier (sic)... Il faut savoir donner un conseil au client. Combien de fois je leur dis : Monsieur, ne levez pas la tête, regarder votre balle..."

Geste à l'appui, exécutant un drive à faire palir un spécialiste, elle m'explique que la maladie du golf, c'est de lever la tête quand on frappe la balle.

A Biarritz, les anciens caddies ne sont plus qu'une vingtaine :

" Ah, soupire-t-elle en implorant le ciel les mains jointes, quand " ils " ne nous auront plus, ce sera une époque révolue. C'est pas loin la fête. Le chariot commence à tuer la profession. Bien sûr que ça soulage de ne plus porter le sac sur le dos, mais d'un autre côté...

(Elle frotte ostensiblement le pouce et l'index de la main droite).

Tu m'a compris. Avant, les clients et les caddies, c'étaient la même famille ! "

Elle exerce depuis 1918 ; un client a calculé l'autre jour pour elle (" Les maths, tu sais, c'est pas pour moi "), qu'elle avait dû couvrir à pieds, durant toute sa carrière, quatre ou cinq fois la distance du tour de la terre à raison de deux parcours par jour en moyenne, soit 14 kilomètres, comme elle le fait encore maintenant.

Il y a eu pour elle comme pour les autres, en un demi-siècle, bien des jours fastes, selon la tradition du golf qui veut que le joueur paye une tournée de champagne lorsqu'il a réussi un trou en un. Sans compter les paris dont ils sont (indirectement) bénéficiaires, selon le camp auquel ils appartiennent :

" Un jour, raconte Janotte, j'ai assisté à un enjeu de 700 000 anciens francs. Pour le gagner, l'un des joueurs avait fait porter sur le terrain, deux bouteilles du champagne favori de son adversaire. Il faisait chaud. L'autre n'a pas résisté et il a perdu la trajectoire... Au temps de la saison des Anglais, les paris allaient jusqu'à quarante-cinq couverts. Maintenant, on joue plus démocratiquement, deux ou trois balles..."

Et les pourboires ?

" Ecoutez, il y en a qui peuvent et qui ne le font pas. Il faut dire les choses comme elles sont. Alors, on gagne dix francs pour un parcours et, en général, dix francs de pourboire. Evidemment, il y a des exceptions. L'an dernier, Sebastien Miguel, alors vainqueur de l'Omnium du Phare, m'a bien donné 300 F. Que veux-tu, c'est ainsi, moi, j'ai besoin de vivre dans le sport..."

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